Tu cours, tu fuis. C’était la seule solution, tu ne pouvais pas faire les choses autrement. Sous la peau d’âne que ton propre père t’offre pour que tu l’épouses, tu fuis. Mais plus tu avances, plus tu ne sens plus tes jambes et te voilà face à l’océan. Les pieds dans les sables, tu es épuisée. Tu t’écroules donc sans attendre et t’endors sous la belle étoile, mais voilà le soleil débarque et te réchauffe la peau. Au début, ça te gène, tu en as marre et puis soudain une ombre. Quelque chose cache le soleil et tu penses à ton père. Tu te réveilles en sursaut prête à attaquer celui ou celle qui est là pour te rendre compte que devant toi se tient une fille. Lilo, c’était censé être une journée comme les autres sauf que Stitch n’est pas là aujourd’hui. Tu t’ennuis, tu n’arrives pas à dormir et du coup, tu penses qu’une ballade te ferait le plus grand bien. Jusqu’à ce que tu la vois couchée sur le sable. Ton bon côté te pousse à aller voir ce qui arrive à cette demoiselle...

Courir, toujours courir. Courir pour aller plus loin, toujours plus loin. Elle ne sentait plus ses jambes, pourtant elle continuait sans relâche d’avancer en marquant une ligne droite. Sous ses pieds, l’herbe humide des grandes étendues de son royaume s’était changée en terre dure et froide de la forêt, puis la terre était devenue pierre et la pierre s’était faite sable. C’était en sentant la fraîcheur d’une vague d’eau froide qu’elle avait finalement décidé de s’arrêter, le souffle coupé, se rendant compte qu’elle ne pouvait continuer dans cette direction, pour la simple raison qu’il n’y avait plus rien, juste une immense étendue d’eau qu’elle ne pourrait sans doute jamais traverser à la nage.

Elle regarda un instant le soleil se coucher à l’horizon. Elle repensa à ce qui lui était arrivé, comment elle s’était retrouvée là, sur cette plage, enveloppée d’une hideuse peau d’âne, les pieds ankylosés et la peau crasseuse. Comment une princesse pouvait-elle tomber aussi bas ? Non, plutôt, comment son roi de père avait-il pu tomber aussi bas ? Comment pouvait-il se montrer aussi cruel envers elle ? Comment avait-il pu penser qu’elle l’épouserait sans rien dire ? Pourquoi avait-elle alors pensé qu’il finirait par reprendre ses esprits ? Pourquoi n’avait-elle pas suivi les conseils de son beau prince, aussi stupides fussent-ils ? Mais surtout, pourquoi s’était-elle enfuie, en sachant pertinemment qu’elle venait de ruiner son royaume en faisant tuer cette saleté d’âne à la crotte en or ?

Sous le poids de toutes ces questions, elle s’écroula dans le sable. Epuisée par ses longues journées de marche, elle enroula un peu plus la peau de l’animal autour d’elle pour lui tenir chaud alors que ses yeux se fermaient en laissant couler une fine larme le long de sa joue. Malgré son mal-être pesant, elle se laissa bercer par le son des vagues venant s’échouer sur la plage et trouva rapidement le sommeil, épuisée comme elle l’était. Cette nuit, elle rêva de sa mère, du doux et rassurant son de sa voix. Tout en lui caressant les cheveux, elle lui disait de ne pas s’inquiéter, que tout finirait par s’arranger. Le roi finirait par revenir sur sa décision. Il marierait une autre femme et sa fille serait enfin libre d’épouser le prince de ses rêves… Si tant est qu’il veuille toujours de moi, pensa la princesse en se souvenant qu’elle était désormais vêtue d’une peau d’âne si affreuse qu’elle dégoûterait même la plus laide des souillons.

Les premiers rayons du soleil levant vinrent se poser sur la plage. La chaleur réveilla la princesse qui retira l’étouffante tête d’âne de son visage. Elle cligna un instant des yeux pour s’habituer à la lumière. C’est alors qu’elle aperçu une silhouette sombre au dessus de son corps. Prise de panique d’avoir pu être retrouvée par son père ou l’un de ses hommes, elle repoussa l’inconnue et se releva précipitamment. Elle parvint alors à distinguer les traits fins et ronds d’une jeune fille qui n’avait visiblement rien à voir avec les sbires du roi.

« Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? » demanda la princesse d’une voix beaucoup trop tremblante.

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